jeudi 12 avril 2007

12 avril 2007 - Parachutes



Serge Tchuruk a gagné 8,2 millions d’euros en 2006 : 1,4 M€ de part fixe, 1,1 M€ de part variable et 5,6 M€ d’indemnité de départ. Patricia Russo a, quant à elle, gagné 1,9 M€ en 2006 (4,8 M€ en 2005). Il ne s'agit là que de la part visible car il faut y ajouter d’autres “menus” avantages : stock-options, retraite chapeau, appartement de fonction, etc. L’indemnité de départ de Serge Tchuruk a été négociée dès son embauche, elle lui était garantie quelle que soit la forme de son départ, que ses résultats soit excellents, moyens ou catastrophiques. Elle est calculée comme 2 fois le montant des deux meilleures des cinq dernières années. Les négociations salariales commencent à Alcatel-Lucent la semaine prochaine en France : pour les salariés, la direction envisagerait une augmentation des salaires de l’ordre de 2% en 2007.

(Reportage d'Olivier Samain sur Europe 1)

La révélation concomitante des conditions de départ des dirigeants opérationnels d'EADS, Alcatel-Lucent et Eiffage fait brusquement revenir le thème de la rémunération des patrons dans la campagne présidentielle.

Ce sont les représentants de l'extrême gauche qui se sont montrés les plus virulents. "Celui qui ne paie pas le ticket de RER va en prison, celui qui vole et met au chômage des milliers de salariés touche des millions", s'est indigné José Bové. Le candidat altermondialiste a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les "patrons voyous".

Même indignation chez le candidat de la LCR, qui a qualifié le montant de ces idemnités de "stupéfiant et inadmissible". Olivier Besancenot a réclamé "une autre répartition des richesses, que tous ces profits soient répartis autrement et utilisés pour augmenter les salaires, les pensions de 300 euros net, fixer le SMIC à 1.500 euros net, pour la création d'emplois, la défense des services publics".

"La rémunération des grands patrons doit cesser d'être une zone de non droit", a exigé de son côté la communiste Marie-George Buffet, qui réclame aussi le retrait du plan de restructuration. Reprenant une formulation utilisée la veille, elle a renchéri : "J'entends déjà les Dupont et Dupond de la droite, le couple Sarkozy/Bayrou, s'en prendre encore une fois aux parachutes dorés, aux patrons voyous. Mais cette comédie ne trompe personne". Le président du groupe communiste et républicain (PCR) de l'Assemblée nationale, Alain Bocquet, demande que les députés soient convoqués afin d'examiner en urgence un texte destiné à mettre fin aux abus en matière d'indemnités versées à certains chefs d'entreprise. Dans deux lettres écrites au Premier ministre et au président de l'Assemblée, le député PC du Nord Alain Bocquet fait allusion à la polémique des indemnités versées aux ex-patrons d'Airbus et d'Alcatel-Lucent demander cette réunion. "Si l'Assemblée nationale est en congé pour cause d'échéance électorale, elle reste cependant en fonction. Aussi, afin de permettre qu'elle soit saisie sans attendre de cette situation et délibère d'un projet de loi y mettant fin, je vous demande de prévoir sa convocation en urgence pour prendre enfin des mesures concrètes", écrit-il.

François Bayrou, qui tenait jusqu'ici un discours « pro- entreprise », a repris à son compte l'expression « patrons voyous », fréquemment employée par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Le candidat UDF a assuré qu'en cas de victoire, il légiférerait pour arrêter ces « scandales ». Le candidat UMP, qui répète depuis des semaines vouloir « moraliser le capitalisme financier », n'a pas réagi. Au contraire du président UMP de l'Assemblée nationale, Patrick Ollier, qui s'est dit « indigné » et favorable à une nouvelle loi, après celle de 2005, pour éviter de tels « excès ». Un autre député UMP, Jacques Kossowski, a rendu publique une liste de propositions cosignée par l'économiste Jacques Marseille, incluant notamment une fiscalité « très dissuasive » sur les parachutes dorés. Dans une note, ils estiment que les "parachutes dorés" et les "retraites chapeau continuent de scandaliser l'opinion parce qu'elles font apparaître l'absence de lien entre la rémunération du dirigeant et la performance de l'entreprise".

Le candidat de Chasse, Pêche, Nature et Tradition, Frédéric Nihous, indique suite à la polémique du jour précédent sur France Inter: «C’est dégueulasse, tous ces parachutes dorés, toutes ces primes à des gens qui ont planté leur entreprise». Il a fait valoir que «n’importe quel quidam dans sa boîte, qui fait des erreurs pareilles, est mis dehors et n’a pas d’indemnités».
De son côté, Jean-Marie Le Pen (FN) parle de "gangstérisme mondain".

Dans les milieux patronaux, l'embarras est palpable. Mais, officiellement, seule l'association CroissancePlus a déploré « ces actions isolées qui creusent le fossé entre les Français et l'entreprise ». La présidente du Medef a préféré garder le silence hier pour se donner le temps d'examiner la véracité des faits. Du côté des salariés, la bronca est unanime. Notamment chez les syndicalistes des trois entreprises concernées. Pour FO, « le premier scandale, c'est que c'est légal ». Pour la CGC, « le fossé se creuse avec certains dirigeants [qui] peuvent bénéficier d'une prime à l'incompétence ». “Ce monsieur a dirigé Alcatel pendant onze ans, l’action s’est cassé la gueule, il a tout démantelé, a divisé les effectifs par trois et il s’en va avec une grosse valise”, a dénoncé Marc Marandon (CGT).

  • Les Echos, Les indemnités de départ des patrons enflamment la campagne électorale, 12 avril 2007.
  • Libération, Jackpot pour Forgeard, Tchuruk ou Roverato, 12 avril 2007.

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