mercredi 25 avril 2007

20 avril 2007 - Groupe de travail


Un mois après sa mise en place, le groupe de travail "sur les perspectives du secteur des télécommunications en France et en Europe" rend son rapport d'étape. Présidé par Pascal Faure, vice-président du Conseil général des technologies de l'information, il compte 14 membres, dont des représentants d'équipementiers (Alcatel-Lucent justement, Nortel, Nokia et Ericsson), des syndicats et des experts.

Créé par le gouvernement le 15 mars, quelques jours après l'annonce du plan social d'Alcatel-Lucent prévoyant 12.500 suppressions d'emplois dont 1.468 en France, le groupe devra faire des recommandations visant notamment à "ancrer les emplois de recherche et développement sur notre territoire". "L'objectif était de prendre de la distance avec un cas particulier, pour s'intéresser aux tendances de fond de l'ensemble du secteur", explique le président du groupe Pascal Faure.

Le délai d'un peu plus d'un mois pour la réalisation de ce rapport était imposé par la date de l'élection présidentielle. "Tous les membres du groupe ont travaillé d'arrache-pied pour tenir ce délais", précise Pascal Faure, qui indique que le gouvernement a donné au groupe jusqu'à la fin juin pour faire des propositions. En attendant, ce premier rapport dresse un état des lieux du secteur et donne quelques pistes.

Les salariés d'Alcatel-Lucent seront déçus. Le rapport remis par le groupe de travail mis en place par le gouvernement suite à l'annonce des 12 500 suppressions d'emplois chez l'équipementier, n'apporte pas de solutions concrètes à leurs problèmes. En aucun cas, le gel des suppressions d'emplois, comme le réclament les syndicalistes, n'est évoqué. Seule consolation pour eux : la volonté de François Loos ministre délégué à l'Industrie de renforcer le pôle de compétitivité Image et Réseaux où Alcatel-Lucent est engagé.

Le rapport avance toutefois des pistes pour soutenir l'industrie des télécommunications européennes et reprend certaines propositions envisagées par les syndicats de l'équipementier.

Parmi celles-ci, aider les équipementiers européens à lutter à armes égales avec leurs compétiteurs chinois et américains. Les syndicats d'Alcatel-Lucent avaient sévèrement critiqué l'ouverture totale à la concurrence du marché européen alors que selon eux, leurs concurrents étrangers bénéficient d'une certaine bienveillance de la part de leurs pouvoirs publics à travers des mécanismes de protectionnisme et de favoritisme.

Le rapport promeut également la mise en place d'un écosystème de dimension européenne. Cela passe par la promotion de standards technologiques européens ou la gestion des fréquences à l'échelle du continent. Clairement, le succès des futurs services de télévision sur mobile, où les fabricants européens sont bien placés, dépend de telles mesures.

Enfin, le groupe de travail appelle à une amplification des efforts publics en matière de développements des infrastructures et des usages des TIC.

Les conclusions du rapport du groupe de travail sur les télécommunications seront remises d'ici fin juin.

Le rapport d'étape du groupe de travail sur les perspectives du secteur des télécommunications en France et en Europe est accessible à l'adresse suivante :
http://www.industrie.gouv.fr/pdf/rapport_faure_2007.pdf

Le document évoque un "paradoxe apparent sur la situation de la filière des équipements de télécommunications" : malgré le dynamisme du secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC), cette filière fait des économies en licenciant une partie de ses employés. Un paradoxe qui ne serait qu'apparent puisque les équipementiers télécoms (dont quatre sont représentés dans le groupe de travail) sont en réalité soumis à une double pression, venant de leurs clients opérateurs d'une part, et de concurrents chinois d'autre part.

Des mutations dans la chaîne des télécoms expliqueraient les difficultés rencontrées aujourd'hui par les équipementiers. Leurs principaux clients, les opérateurs, eux-mêmes soumis à une concurrence importante qui limite la croissance de leurs revenus, répercutent cette pression sur leurs fournisseurs. Pour alléger cette pression, "les équipementiers doivent adapter leurs stratégies et positionnements, pour aller davantage vers l'aval de la chaîne de valeur (services, contenus, logiciels)", affirme Pascal Faure. Ces mutations du secteur expliqueraient déjà les nombreuses fusions, acquisitions et rapprochement du secteur (Alcatel-Lucent, Ericsson-Marconi, Nokia-Siemens...), ainsi que les suppressions d'emplois consécutives.

Pour poursuivre cette évolution, les équipementiers européens disposent d'atouts, indique le rapport. Ainsi, ils sont souvent des acteurs importants ou leaders sur les marchés mondiaux, leurs clients opérateurs sont également puissants, et ils disposent en Europe d'un réservoir important de compétences.

Les pouvoirs publics sont également appelés à favoriser ce repositionnement. Le rapport demande ainsi une harmonisation plus grande du marché européen, pour aboutir à des standards communs, une meilleure gestion des fréquences et une meilleur protection de la propriété intellectuelle. Il invite aussi les pouvoirs publics à développer les usages des TIC, notamment via le très haut débit et les "usages innovants" dans le e-commerce et le paiement en ligne.

Il demande également que les équipementiers européens puissent "lutter à armes égales contre leurs concurrents américains et asiatiques", en s'assurant du respect des règles internationales et en favorisant les partenariats avec leurs clients. Enfin, pour anticiper les mutations du secteur et leurs conséquences sur l'emploi, les 14 membres du groupe de travail proposent la mise en place d'un système de "veille prospective". Autant de pistes qui pourraient être développées dans le rapport final prévu dans deux mois, sous réserve des choix du prochain gouvernement.

Le rapport d'étape recommande ainsi aux pouvoirs publics :
-de promouvoir un « écosystème européen », sur fond de promotion de standards, d'une gestion des fréquences optimisant la création de valeur ajoutée et d'activité économique, de protection de la propriété intellectuelle ;
-de s'assurer que la compétition entre européens, américains et asiatiques, puisse se faire à armes égales (via l'articulation des programmes de défense, le respect des règles internationales, la promotion de partenariats entre équipementiers européens et leurs clients) ;
-d'amplifier les efforts publics en matière de développement des infrastructures et des usages des technologies de l'information (promotion du très haut débit, du e-commerce, du e-paiement, etc.) ;
-de mettre en place une veille prospective concernant les évolutions de l'emploi et des compétences de cette filière.

Sur ce dernier point, les ministres Gérard Larcher et François Loos se sont empressés de reprendre la balle au bond en invoquant la montée en puissance de la politique industrielle sous-jacente aux pôles de compétitivité. Dont le pôle « Image et Réseaux » en Bretagne qui, rappelle le communiqué officiel, « rassemble des équipes reconnues dans le monde entier », et a déjà suscité « une douzaine de projets soutenus par une enveloppe de l'Etat de 22 millions d'euros ». Rendez-vous est pris dans deux mois, sous réserve de décision du nouveau gouvernement, pour le rapport final de ce groupe de travail de prospective.

  • L'Usine Nouvelle, Pas d'avancées pour les salariés d'Alcatel-Lucent, 20 avril 2007.
  • La Tribune, Quatre pistes pour la sauvegarde de l'emploi de la filière télécoms, 23 avril 2007.

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