samedi 28 avril 2007

27 avril 2007 - Ordonnance de référé...


Le tribunal de grande instance de Paris a demandé à Alcatel-Lucent de détailler son plan de suppressions d'emplois auprès de son comité d'entreprise européen. Son ordonnance ne suspend cependant pas le processus.

L'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris Jean-Claude Magendie, dans l'affaire opposant l'ECID (Alcatel European Committee for Information and Dialogue), le CCE (Comité Central d'Entreprise) Alcatel Lucent France, le CCE Alcatel Business Systems et le CE Compagnie financière Alcatel Lucent, d'une part, à la société ALCATEL-LUCENT, d'autre part est publiée le 27 avril 2007.

Le juge estime « qu'il existe là un trouble manifestement illicite » et donne raison au comité européen.

Il condamne Alcatel Lucent à fournir en langues anglaises et françaises :
- l'exposé précis et chiffré des motifs de transfert ou de regroupements d'activités,
- l'exposé précis et chiffré de la méthode et des élements de calcul des excédents d'effectifs allégués,
- le nombre des emplois dont la suppression est envisagée, dans chaque division et chaque pays, par catégories de travailleurs,
- la justification précise et chiffrée de cette répartition,
- le calendrier prévisionnel des suppressions d'emplois envisagées.

Le Comité Européen ne pourra être réuni que 15 jours ouvrés après la fourniture de ces informations.

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné au groupe Alcatel-Lucent de transmettre les informations concernant le plan social à l'ECID (comité européen d'information et de dialogue) mais a refusé de suspendre le plan de restructuration jusqu'à l'achèvement de la consultation de cet organe européen.

Le président Jean-Claude Magendie a en effet estimé que l'ECID n'était pas le comité d'entreprise européen du groupe, et qu'à ce titre, Alcatel-Lucent n'était pas obligé de recueillir son avis avant la mise en oeuvre d'un plan social, mais seulement de l'en informer.

Il a rappelé que l'ECID avait pour objet de "permettre une information et un échange de vue transnational concernant entre autres l'évolution de l'emploi consécutive notamment à des transferts d'activité et à des changements de structure".

Alcatel-Lucent doit de plus verser 5 000 euros à l'ECID.

L'intersyndicale (CGT-CFDT-CFTC-CFE/CGC) s'est félicitée de la décision. "Nous sommes très satisfaits parce que cette décision oblige Alcatel-Lucentà plus de transparence", a déclaré à Reuters Alain Hurstel, secrétaire (CFDT) du comité d'entreprise européen du groupe. "Nous ne disposions que d'informations générales sur le plan, mais aucune ne permettant d'en contester ses éléments", a-t'il ajouté. Il a assuré que les salariés du groupe, qui sont restés mobilisés depuis la mi-février, continueraient à manifester, notamment à l'occasion de l'assemblée générale annuelle prévue le 1er juin. L'intersyndicale estime dans un communiqué que le groupe refusait de transmettre ces informations parce qu'elles montraient la volonté du groupe de délocaliser sa production dans des pays à bas coûts.

Elle ajoute avoir rencontré Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy avant le premier tour de l'élection présidentielle, disant qu'ils s'étaient tous deux prononcés contre les délocalisations. "Nous attendons du (ou de la) future (e) élu (e) des mesures concrètes pour maintenir en France une industrie des télécoms forte, performante et durable", souligne l'intersyndicale.

Alcatel-Lucent a fait savoir qu'il appliquerait la décision du TGI et n'envisageait pas de faire appel. "Lors de la prochaine réunion du comité de groupe européen, dont la date n'a pas encore été fixée, Alcatel-Lucent présentera les éléments complémentaires mentionnés dans l'ordonnance", a déclaré une porte-parole du groupe. Elle a affirmé que le dialogue engagé avec les représentants du personnel se poursuivrait, rappelant que l'ensemble du plan se déroulera sur la base du volontariat en France.

Néanmoins, depuis le 15 mars, jour de la grande manifestation européenne à Paris, le syndicat CFDT constate un essoufflement de la mobilisation dans les autres pays européens. "Lorsque Mme Russo (la PDG du groupe) s'est rendue dans les centres de Stuttgart (Allemagne) et d'Anvers (Belgique), il y a eu zéro mobilisation, regrette Hervé Lasalle, élu CFDT. Dans le discours, ils sont toujours contre le plan social mais ils ont du mal à faire bouger les salariés. Et c'est la France qui mène la danse."

Avec 877 suppressions de postes sur 5 120 salariés, l'Allemagne est pourtant le pays le plus touché derrière la France. Au total, l'Europe verra partir 4 500 salariés sur 12 500. Sur les trois premiers mois de 2007, les réductions nettes d'effectif se sont élevées à 1 900 personnes.

La mobilisation continue aussi sur le plan politique. Lors d'une réunion avec des parlementaires européens à Strasbourg, trois membres du comité de groupe européen d'Alcatel-Lucent ont alerté les responsables politiques sur le "dangereux processus de réduction du potentiel de recherche et développement en France au profit des pays à bas coûts".

Pour les salariés, "si par le passé, ces externalisations étaient motivées par le rapprochement du marché et des clients, maintenant elles correspondent à une banale politique de réduction des coûts".

  • Le Monde, La recherche en Europe au coeur de la lutte, 27 avril 2007.

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