samedi 28 avril 2007

26 avril 2007 - Un feuilleton mouvementé


Le feuilleton de la restructuration d'Alcatel Lucent est tellement mouvementé, qu'au final, il est difficile de faire précisément le point sur l'avancée des négociations. Hervé Lassalle, délégué national CFDT chez Alcatel Lucent, dresse pour "Réseaux & Télécoms" un état des pourparlers (voir fin de l'article).

"Alcatel veut vivre !" Sur la façade du bâtiment d'Alcatel-Lucent à Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine), juste à côté de Rennes, la banderole flotte au vent. Après avoir bloqué le site, mercredi 25 avril, les salariés du groupe ont repris le travail jeudi mais, vendredi, d'autres mouvements étaient envisagés. Le Monde sort ce jour un article intitulé " Dans l'Ouest, la mobilisation des salariés d'Alcatel ne faiblit pas". On y voit que "Depuis la mi-février, on organise une ou deux actions par semaine", résume Christian Meheust, représentant syndical CGT à Lannion (Côtes-d'Armor). C'est l'un des quatre sites bretons – avec Rennes, Cesson et Orvault (Loire-Atlantique), près de Nantes – touchés par les 441 suppressions de postes prévues, dans l'ouest de la France, par la direction du groupe franco-américain.

Exane BNP Paribas a réitéré jeudi sa recommandation "surperformance" sur Alcatel-Lucent avec un objectif de cours de 14 euros, obtenu via la méthode DCF.

Suite à la publication des résultats préliminaires pour son 1er trimestre, Exane constate la faiblesse du premier trimestre, marqué par des ventes inférieures au consensus et une perte d'EBIT. Le bureau d'analyse estime néanmoins que cet avertissement était "largement anticipé". De son coté, HSBC a abaissé son objectif de cours de 12 à 10,50 Euros, tout en maintenant son opinion "neutre".

Extrait de l'article "Réseaux & Télécoms"

R&T : Où en êtes-vous des négociations avec la Direction ?

Hervé Lassalle : Un point est totalement bloqué, c'est le nombre total de licenciements en France. La Direction est inflexible sur les 1500 suppressions de postes. Certains sites sont particulièrement touchés : Orvault-Rennes avec 218 personnes soit 25% des effectifs, Lannion avec 217 soit 20% des effectifs, 732 en Région Parisienne et 100 à Ormes. En deux mois de mobilisation, nous avons exercé différents moyens de pression. Nous attendons du reste pour cet après-midi le jugement en référé du TGI de Paris sur une action que nous avons menée. En effet, suite au comité de groupe Européen , nous avons poursuivi la direction pour insuffisance d'éléments et d'argumentations concernant les 1500 suppressions d'emplois en Europe. En fonction du jugement prononcé, soit un nouveau comité Européen sera réuni, soit une procédure nationale sera déclenchée au niveau des comités centraux d'entreprises (CCE).

R&T : La Direction a t-elle tout de même lâché du lest ?

H.L. : Il y a une quinzaine de jours, la Direction a proposé de sortir de l'impasse en provocant des discussions entre les représentants syndicaux Français et les patrons des grandes divisions : convergence, wireless et wireline. Nous avons débuté nos entrevues le 17 avril avec le patron national de la division convergence, Marc Rouanne. Il a commencé par nous dire qu'il ne reviendrait pas sur le sureffectif global de 500 personnes de son Business Group. Cependant, il est revenu sur la fermeture d'un des deux sites Rennais et a annoncé vouloir conserver 70 postes sur Rennes sur ce site. Cette annonce a troublé le site d'Orvault, intimement lié à Rennes. S'il conserve 70 emplois mais ne revient pas sur les 218 , c'est une avancée pour Rennes et un recul pour Orvault. C'est une histoire de vases communicants ! Cette décision est très politique. Il est important pour le groupe de conserver une présence à Rennes dans le cadre du pôle de compétitivité « images et réseaux » initié par le gouvernement. Marc Rouanne a d'autre part annoncé qu'Orvault allait être le site dédié aux gateways IP, une sorte de labellisation mondiale. Lannion bénéficierait d'une activité R&I (Recherche et innovation) en lien avec le pôle de compétitivité Breton et serait le pole de compétence mondial sur plateforme ATCA. Ce sont des annonces positives mais qui ne remettent en rien en cause le surreffectif sur ces sites et pour lesquelles nous ne connaissons pas réellement le volume d'activité en découlant. Même s'il y a une réalité d'action, cela paraît être principalement de la communication.

R&T : C'est un dialogue de sourds !

H.L. : Nous ne sommes pas sourds. Nous admettons qu'il puisse y avoir des doublons issus de la fusion. Mais nous sommes persuadés que l'entreprise continue de délocaliser certaines activités de R&D ou de métiers proches du client (supports aux offres, ventes, installations, après vente, supply chain ...) dans des pays à bas coûts pour réduire ses coûts. Nous tentons de geler les délocalisations, nous nous battons sur ce sujet. La direction ne communique pas assez précisément sur la localisation des effectifs dans le monde , et nous pensons que les chiffres,en particulier sur l'outsourcing (externalisation) ne sont pas visibles. Nous ne disposons pas de relais syndicaux dans ces pays. Arrêtons de délocaliser des pans d'activités en Inde ou en Chine quand on supprime des emplois chez nous !

R&T : Quels sont vos moyens de pression ?

H.L. : Nos avons décidé de ne pas assister aux réunions avec la Direction tant qu'ils nous ne donnerons pas de réponses claires sur les délocalisations. La Mobilisation continue. Une action nationale est possible le 1er juin, jour de l'assemblée générale des actionnaires. Cela dépendra des avancées des négociations. Nous poursuivons d'autre part nos moyens de pression via le gouvernement. Une rencontre est également prévue avec la Commission Européenne.

R&T : Dans ce contexte difficile, comment a été perçu le Golden Parachute de Serge Tchuruk, ex-PDG du groupe ?

C'est une cerise sur un gâteau bien amer. Les salariés sont dégoûtés et scandalisés sur ces pratiques. Nous venons d'avoir nos négociations salariales. Elles oscillent entre 1 et 2%, rien à voir avec le Golden Parachute de Serge Tchuruk !

Extrait de l'article du "Monde"

...
Au fil des semaines, les salariés de l'Ouest ont aussi manifesté dans les villes bretonnes et ligériennes, mais aussi à Paris. Ils ont "non inauguré" puis déménagé ce qui devait devenir le nouveau site d'Alcatel à Rennes, au cœur du pôle "réseau et images" de la capitale régionale.

Après dix semaines de lutte, la mobilisation des salariés reste forte. "Ce n'est pas notre première crise, insiste le syndicaliste cégétiste. Mais c'est comme s'il y avait eu quelque chose de cassé. Cette fois, on touche à la pérennité des sites. On n'a plus de visibilité sur l'avenir de nos entreprises et de nos qualifications. Les gens sont déstabilisés et ne croient plus aux discours."

Pourtant, le 17 avril, la direction était revenue sur son intention de fermer le site de Rennes et envisageait d'y conserver entre 50 et 70 des 150 postes. Depuis, les salariés concernés ne sont d'ailleurs plus tous dans le mouvement.

"C'est humain, tempère Pierre Ketels, délégué du personnel CFDT pour Rennes et Cesson. Mais les autres restent mobilisés, car le chiffre global de suppressions de postes est le même. Il s'agit juste d'un tour de passe-passe d'une ville à une autre avec une volonté d'opposer les sites les uns aux autres, voire de les mettre en concurrence."

Alors pourquoi ces salariés – majoritairement des ingénieurs sans grande culture des luttes sociales – ne cèdent pas ? "On n'est pas des ouvriers mais on est des durs quand même, estime Samuel Régent, ingénieur de 37 ans à Cesson. Aujourd'hui, la direction voudrait nous dire 'allez, c'est fini les enfants, on rentre en classe'. Eh bien, nous, on reste dans la cour et on essaye de calculer au mieux nos actions." Plusieurs ingénieurs expliquent cette ténacité par l'esprit "start-up" qui perdure. "On fait tous le même produit à Cesson. On se connaît, explique Pierre Ketels. Et à Orvault, il y a un fort passé syndical."

La nouveauté pour les salariés d'Alcatel est aussi, au-delà d'un désaccord avec FO, la solidité de l'intersyndicale CFDT-CGT. Sans oublier le contexte de l'élection présidentielle même si les responsables syndicaux ne se font guère d'illusions sur les promesses des candidats.

Les salariés, eux, n'en démordent pas : il s'agit d'"une délocalisation qui ne dit pas son nom. Tous les politiques ont conscience, que, maintenant, on délocalise aussi la matière grise. C'est le bout du bout. Qu'est-ce qu'on va garder ?", s'interroge M. Meheust. "Nous, on reste mobilisés. Ils sont tombés sur un os", conclut M. Régent.

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