jeudi 22 mars 2007

22 mars 2007 - Dégradation, manifs et justification


L’action Alcatel-Lucent a perdu plus de 20% depuis le début de l’année à la Bourse de Paris et pourrait encore dégringoler, plusieurs analystes reconnaissant qu’ils ont sous-estimé les perturbations causées par la fusion des deux groupes et le plan de restructuration.

La plus forte baisse du CAC40 du jour était signée Alcatel-Lucent qui pâtit d'une dégradation d'opinion de l'agence financière Goldman Sachs. L'analyste a ramené sa recommandation sur l'équipementier télécoms de " Achat " à " Neutre ", et abaissé sa prévision de chiffre d'affaires pour 2007 de 8 %. 'Nous pensons que le carnet de commandes d'Alcatel-Lucent reste faible en raison de perturbations internes importantes dues au processus d'intégration et une reprise des ventes n'est pas envisageable avant le 3ème trimestre', expliquent les analystes. Alcatel-Lucent rencontrera ses actionnaires individuels lors d'une conférence / débat organisée par La Vie Financière à Marseille le 27 mars 2007...

Dans le confidentiel sur RTL, Patricia Russo est annoncée comme critiquée en interne : la directrice générale d'Alcatel-Lucent n'aurait pas la carrure nécessaire pour diriger un groupe de taille internationale. Dans un article de Réseaux & Télécoms (reproduit ici intégralement), Jean-Christophe Giroux affirme à la presse qu'Alcatel-Lucent ne reviendra pas sur le plan d'ensemble de 12500 suppressions de postes, car il est justifié et nécessaire...

Fruit de la fusion entre Alcatel et Lucent, le plan social du groupe prévoit 12 500 suppressions d'emplois dans le monde. Ce chiffre fait grincer les dents des salariés, des syndicats et des élus. Pourtant Alcatel-Lucent le justifie, par la voix de son PDG France, Jean-Christophe Giroux. Il n'est pas question de revenir sur le fond du plan. Cependant, la direction reste ouverte au dialogue concernant ses modalités d'application.

R&T : Le dialogue social est-il rompu ?

Jean-Christophe Giroux, PDG d'Alcatel-Lucent France : Absolument pas ! C'est une perception totalement fausse. Vendredi dernier, une trentaine de personnes, composée des syndicats européens et de la direction d'Alcatel-Lucent, ont passé une dizaine d'heures à discuter du plan de restructuration du groupe. Elles ne sont pas allées jusqu'à la fin de l'ordre du jour. Une nouvelle réunion est donc prévue demain. Ces réunions Européennes officielles ne se substituent pas au dialogue dans chaque unité légale. Et je ne parle même pas des rassemblements officieux entre syndicats et direction. J'avoue ne pas comprendre la tonalité ambiante qui parle de rupture du dialogue social.

R&T : Sur quelles bases discutez-vous ?

J.C.G. : Alcatel-Lucent a annoncé début février un plan dont les causes sont connues depuis longtemps. Les 12500 réductions d'effectifs dans le monde sont la conséquence directe de redondances liées à la fusion annoncée le 1er décembre ou au rachat des activités UMTS de Nortel, ainsi qu'à l'adaptation de notre mode de fonctionnement aux besoins en pleine évolution de nos clients et de l'ajustement de certaines activités aux perspectives du marché. D'autres économies d'échelle obtenues par ailleurs doivent nous permettre d'économiser au total plus de 1,7 milliard d'euros sur 3 ans . Ce n'est pas un plan Boursier ! C'est un plan opérationnel qui seul peut nous permettre de rationaliser nos offres de produits et de solutions. Au niveau européen, nous expliquons en détail les causes stratégiques de la restructuration et les conséquences sur l'emploi. Au niveau local, nous discuterons et négocierons la mise en oeuvre de ce plan, avec notamment en France, des mesures exclusivement basées sur le volontariat.

R&T : Pouvez-vous citer un exemple de rationalisation de gamme de produit ?

J.C.G. : Dans les activités mobiles 3G, nous subissons la pression de nos concurrents. Pour être compétitifs et crédibles auprès de nos clients, nous devons choisir une seule des 3 gammes de produits historiques, celle d'Alcatel, celle de Lucent et celle que nous avons rachetée dernièrement à Nortel. Bien évidemment, cela se traduit par des réductions d'emplois et, bien sûr, elles touchent la R&D. Le groupe est majoritairement composé de cols blancs, c'est inévitable ! Nous rationalisations aussi les structures par pays.


R&T : Peut-on imaginer des transferts de compétences sur d'autres domaines de la R&D ?

J.C.G. : Bien évidemment. C'est notre premier devoir. Nous ferons le maximum pour réorienter les compétences vers des activités porteuses. Par exemple, des compétences aujourd'hui dans l'UMTS seront utilisées pour le WiMAX. Partout où nous pourrons, nous essaierons de réorienter les compétences.

R&T : Que se passe-t-il exactement à Rennes ?

J.C.G : Sur Rennes, les locaux ferment mais les emplois sont préservés. Heureusement, car il s'agit de personnes hautement qualifiées. Leur domaine de compétence est hautement stratégique pour le Groupe. Le personnel est transféré sur Orvault (44) ou sur Lannion (22), et notre volonté est de trouver des solutions personnalisées pour chacun de nos employés à Rennes, soit par le financement du déménagement, soit par l'aide à la recherche d'emploi pour le conjoint, soit par la mise en place du télétravail. Nous comptabilisons 5 sites en Bretagne : Brest, Orvault, Lannion et 2 plus petits sites sur Rennes. Nous avons décidé de redéployer les petits sites de Rennes et de consolider les deux plus gros centres de Lannion et Orvault.

R&T : Patricia Russo, PDG du groupe, semble inflexible sur la restructuration. Pouvez-vous imaginer faire machine arrière ?

J.C.G. : Les 12 500 suppressions d'emploi sont le résultat d'une analyse fine pays par pays, et activité par activité - opérationnelles comme fonctionnelles. Chaque chiffre a été longuement pesé, analysé, débattu. En tant que tel, le total ne peut pas être réduit, toute discussion à ce niveau est irréaliste. Mais nous sommes ouverts au dialogue sur les modalités et la mise en oeuvre de ce plan. Les syndicats comprennent bien notre logique de suppression des redondances. Ils ont toutefois du mal à accepter le résultat, ce que nous comprenons à notre tour. Nous nous sommes donnés jusqu'à fin 2008 pour finaliser ce plan en France. Nous sommes confiants dans la qualité et la diversité des mesures d'accompagnement.

R&T : Subissez-vous des pressions politiques ?

J.C.G : Les élus sont en attente d'explications. Nous nous sommes manifestés auprès d'eux en amont. Nous les informons régulièrement, mais leur réaction est inévitable. Localement, nous étudierons les possibilités d'accompagnement ou d'essaimage. Je tiens à affirmer que, contrairement à ce qui a pu être dit, nous maintenons et renforçons notre implication dans les pôles de compétitivité, notamment celui d'« images et réseaux » de Bretagne.

R&T : Que pensez-vous de l'implantation de Huawei à Lannion ?

J.C.G : Nous étions au courant depuis quelques mois - et il faut relativiser les choses, car on ne parle que de 20 personnes dans un premier temps. Cette implantation témoigne pourtant de deux tendances fortes. Les Chinois, tels Huawei ou ZTE, sont des concurrents extrêmement sérieux et offensifs, au même titre que d'autres acteurs occidentaux. Ensuite, ils suivent une logique proche de la nôtre. A savoir, s'implanter plus près de leurs clients.


R&T : Qu'attendez-vous du groupe de travail gouvernemental sur l'avenir de la filière Télécoms ? Des mesures protectionnistes ?

J.C.G. : Nous attendons beaucoup de ce groupe de travail, que nous réclamons depuis des années. Je souhaite des conclusions concrètes, en termes de mesures fiscales et douanières ou d'aides à l'emploi. Le seul bémol est que ce groupe est très français et composé majoritairement d'équipementiers. C'est un bon début, mais il faudra impliquer plus fortement les opérateurs et les autres acteurs Européens. Notre industrie est en pleine transformation et consolidation. La prise de conscience des politiques est indispensable!

Le même jour, les salariés d'Alcatel-Lucent se sont à nouveau mobilisés sur plusieurs sites français de l'équipementier en télécommunications, à l'appel de leur intersyndicale. En région parisienne, un millier de salariés venus de plusieurs sites franciliens (Vélizy-Villacoublay et Colombes, notamment) ont manifesté jeudi matin sur le site de Châteaufort (Yvelines), a-t-on indiqué de source syndicale. En province, un débrayage a eu lieu à Ormes (Loiret) et Brest, ainsi que sur le site d'Orvault (Loire-Atlantique) près de Nantes où la totalité du personnel avait cessé le travail en matinée, selon la CGT. plus de 2000 salariés français qui ont répondu présents sous des formes diverses.

A Rennes,
près de 200 personnes se sont rassemblées, hier, à Cesson-Sévigné devant le Musée des télécommunications afin de débattre de l'avenir des télécommunications en France. Ce sont les salariés d'Alcatel qui ont initié ce débat. Du coup, à l'heure du déjeuner, des salariés d'autres entreprises sont venus les soutenir : Thomson R & D, France Télécom R & D, d'anciens employés de STMicroélectronics... Les salariés de Thomson R & D redoutent de futures suppressions de postes et une délocalisation des services « recherche et développement » en Chine ou en Inde. A France Télécom R & D, les syndicats ne sont guère plus optimistes.

A Orvault, un petit déjeuner était offert aux salariés (pour faire le pendant au petit déjeuner du jour J (jour de la fusion "Day 1") offert alors par la direction sur tous les sites du groupe pour fêter la fusion Alcatel-Lucent). Profitant du marché, trois cents salariés d'Alcatel-Lucent de Lannion ont défilé et « tracté », au centre-ville. Il s'agissait d'un tour de chauffe avant la manifestation prévue samedi.

Les salariés d'Alcatel sont, dans l'immédiat, dans l'attente. Également soutenus par plusieurs élus locaux, ils attendent la décision du tribunal de grande d'instance de Paris, suite au traitement du référé. D'ici là, Jean-Yves Le Drian, le président du conseil régional de Bretagne, pourrait de nouveau rencontrer les dirigeants d'Alcatel.
  • Our buy on Alcatel-Lucent was predicated on bigger and faster cost-cutting momentum than investors expected, combined with a stable top-line outlook. While management has increased cost-cutting targets, we greatly under-estimated both the scale of revenue dis-synergies and the impact on sales from the internal confusion created by the merger. Worryingly, it appears that this confusion is taking longer to resolve that the company anticipated.Alcatel-Lucent: Goldman Downgrades, “Revenues In Free Fall”, 22 mars 2007.
  • L'Agefi. Les investisseurs ne croient plus aux promesses d’Alcatel-Lucent. 23 mars 2007.
  • Mais au fait, que devient le bâtiment qui devait recevoir l'ensemble des salariés rennais d'Alcatel à partir de juillet ? L'immeuble est toujours en construction et selon une source immobilière, Alcatel n'aurait toujours pas dénoncé le contrat le liant au promoteur immobilier. Résultat : il en coûterait plusieurs centaines de milliers d'euros par mois au groupe... Ouest France, Rennes, Alcatel n'est pas seul à être inquiet. 23 mars 2007.

  • Ouest France, Lannion. Alcatel : « Faut la faire, la promo de cette manif ! » 23 mars 2007

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